Alexandra Laignel-Lavastine dénonce "cette France politiquement abjecte"
Extrait de l'émission "Entre les lignes" de LCP du 6 juin 2015
Ne ratez pas ce passage :
Les grandes consciences intellectuelles ?
A.L. : écoutez, les grandes consciences, on a vu un peu ce qu'elles ont fait cet été, on a vécu un été 2014 absolument épouvantable où jamais depuis 45, l'Europe n'avait été traversée par une vague antisémite aussi spectaculaire, je rappelle les pancartes "Mort aux Juifs" dans les grandes capitales européennes et autres pancartes du genre "Hitler devrait être fier", je ne vois pas du tout le rapport avec la politique israélienne, cet antisionisme est délirant et je remarque que on peut massacrer mille fois plus, on peut massacrer 1500 femmes brûlées vives, par exemple au Pakistan, c'est le bilan de l'année 2014, il y a le Sahel, il y a la Syrie, personne ne manifeste, par contre un conflit géo-politique lointain opposant la seule démocratie du Moyen-Orient, l'Etat d'Israël et une organisation terroriste, génère 400 manifestations, et d'ailleurs c'est très interessant, les Palestiniens aujourd'hui sont décapités par Daesh, l'Etat islamique au camp de Yarmouk et tout le monde s'en fout, pour le dire clairement, et il n'y a pas une seule grande conscience dans la rue, à se demander si ce conflit ne les intéresse que parce que les Juifs sont impliqués
F.A. : alors on revient aux grandes consciences et on laisse tomber un peu le Proche-Orient, les grandes consciences en France et en Europe
A.L. : oui mais c'est très important le Proche-Orient parce que si vous voulez l'antisémitisme, plus largement que le Proche-Orient est toujours un symptôme dans l'histoire européenne, c'est un baromètre infaillible pour évaluer la bonne santé morale d'une société et cette nazification d'Israël, cette inversion de la victime en bourreau est un symptôme central de notre crise et je crois que c'est Jankélévitch qui avait les mots les plus justes au début des années 70, il disait, évidemment au second degré : "et si les Juifs étaient eux-mêmes des nazis, ce serait merveilleux, non seulement les Européens n'auraient plus à compatir à leurs souffrances mais en plus cela leur accorderait le droit et même le devoir d'être démocratiquement antisémites" d'où l'extraordinaire aubaine, même elle était introuvable, de l'antisionisme !
F. A. : alors on arrive à la fin de l'émission, est-ce que le combat contre le nihilisme, contre l'islamisme radical, contre le national populisme peut être gagné et comment ?
A. L. : suite...
• La Pensée égarée. Islamisme, populisme, antisémitisme. Essai sur les penchants suicidaires de l’Europe, Grasset, 220 pages, 18 €.
"Par quel chemin de capitulation en est-on arrivé aux sanglantes journées de Janvier-2015 ? Pour comprendre l’égarement de notre début de siècle, cet essai vigoureux explore plus d’une décennie de « trahison des clercs ». Celle d’ intellectuels passés maîtres dans l’art de s’aveugler par incapacité à admettre que le Mal puisse parfois surgir du camp du camp des anciens damnés de la terre- réputé être celui du Bien. Entre illusions politiquement correctes et tentations politiquement abjectes, nous faisons le lit d’une Europe d’extrême droite. Bien-pensants et mal-pensants, qui s’imaginent croiser le fer, ne voient-ils pas qu’ils ne cessent de faire monter ensemble les deux plus grands périls de l’époque : le national-populisme d’un côté, l’islamisme de l’autre ? Deux mondes en crise se retrouvent aux prises sur le Vieux Continent : l’européen, désemparé par son basculement dans la mondialisation et le musulman, hanté par sa grandeur perdue. Là réside l’explosive nouveauté de notre temps. Si nous ne renouons pas avec la part lumineuse de la culture européenne, c’est un monde de cendres que nous lèguerons à nos enfants. À moins qu’on ne préfère écrire avec Kafka au premier jour de la Grande Guerre : « Cet après-midi : piscine ». Avec un autre sens de la tragédie qui s’annonçait…"