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Le Rav Adin Even-Israel (rocher d'Israël) Steinsaltz z"l a quitté ce monde vendredi 7 août. Un homme a l'érudition éblouissante, allant des mathématiques (qu'il enseignait) à la philosophie, littérature russe, française, la biologie, mais surtout le grand commentateur de cette œuvre monumentale qu'est le Talmud qu'il a traduit de l'araméen à l'hébreu, anglais et russe, 45 volumes énormes, 5000 pages denses, un travail de 45 années ! Il fut un Maître qui avait des élèves prestigieux, ne dit-on pas qu'on reconnaît la valeur d'un maître à la qualité de ses disciples ? Un homme hyper actif, obsédé par le temps et sa mission considérable, il ne dormait que 4h par nuit... un géant nous a quitté.

 

-Lire l'hommage d'Ariel Toledano

[...] Peu de temps avant sa mort, j’avais demandé à Josy Eisenberg quelles étaient les personnalités qui l’avaient le plus marqué au cours de ses entretiens télévisés ; il m’avait répondu sans hésiter : Alexandre Safran (1910-2006), éminent kabbaliste et ancien grand rabbin de Roumanie et Adin Steinsaltz, avec lequel il avait écrit plusieurs ouvrages sur l’œuvre de Rabbi Nahman de Braslav ou sur celle du Rabbin Chénour Zalman de Lady. Le grand rabbin Jonathan Sacks le présente comme le Rachi des temps modernes. Pourtant, rien ne prédestinait le jeune Adin à devenir l’un des esprits les plus féconds du monde juif contemporain. [...]

-Lire cet hommage publié sur le site du mouvement Habad

Le Rav Adin Even-Israel (Steinsaltz), célèbre talmudiste, kabbaliste, éducateur, rabbin communautaire, philosophe, auteur prolifique – et, par-dessus tout, hassid dévoué – qui fut internationalement considéré comme l’un des principaux rabbins de ce siècle, et décrit par le Time Magazine comme étant « un érudit comme il y en a une fois dans un millénaire », est décédé à Jérusalem le 7 août. Il avait 83 ans.

-Je remets en ligne des extraits d'un article de Henri Tincq, paru en 2001 :

[...] A soixante-quatre ans, le rav Steinsaltz ne tient pas en place. Il n'a jamais une minute à perdre, comme s'il avait des comptes à rendre à Dieu dans l'instant même. Comme si cet esprit encyclopédique, dans un corps si petit qui flotte entre ciel et terre, qui mange peu et ne dort que quelques heures par nuit, était toujours en retard d'un livre à lire ou à écrire, d'un cours ou d'une conférence à préparer, d'une visite ou d'un voyage à faire.

Enfant surdoué, il lisait plus vite que son père : « Je lisais de la littérature ennuyeuse et on disait que j'avais un cerveau de vieillard. Aujourd'hui, il m'arrive de lire des bandes dessinées et on dit que j'ai un cerveau d'enfant ! » Adin Steinsaltz connaît toute la littérature russe, de Tolstoï à Dostoïevski, en passant par Tourgueniev. Adolescent, il a lu Romain Rolland, Balzac, Hugo, Gide. A dix ans, il avait déjà ingurgité Platon et l' Introduction à la psychanalyse de Freud. Adin Steinsaltz est le premier traducteur en hébreu moderne, en français, en anglais et en russe de cette encyclopédie de cinq mille pages, il en a fait un joyau de la vie juive, accessible au commun des mortels.

Militant d'extrême gauche, son père, Avram Steinsaltz, était d'esprit très libéral. « Peu importe que tu sois athée, je le suis aussi, lui dit un jour son père. Mais je ne veux pas que mon fils soit un ignorant », autrement dit un homme coupé de sa tradition juive. Il lui paie donc des leçons particulières de guemarah (commentaires de la Loi). Son père, sioniste, émigré en Palestine dès 1924, venant de Varsovie, fonde deux kibboutz, s'engage dans la guerre d'Espagne avec les Brigades internationales, rencontre les dirigeants communistes d'Europe, collabore avec Berger Barzilaï, le secrétaire général du PC, que Staline enverra dans les camps de Sibérie purger des crimes fictifs ! Ce qui ne l'empêche pas de fréquenter le parti national juif ou de recevoir des rabbins hassidiques. « Ces contacts les plus divers ont imbibé ma culture et tout mon univers », se souvient Steinsaltz.

On lui prédit un avenir de prix Nobel de chimie, de médecine ou de mathématiques, matière qu'il enseigne. Mais lui rêve d'écrire des romans policiers et des scénarios de science-fiction. Il se passionne pour la vie des animaux, entre à l'administration du zoo de Jérusalem et est encore capable de parler, des heures durant, des dinosaures. Son professeur particulier de Talmud l'initie bien à ce monument de littérature juive, mais le jeune Steinsaltz s'y exerce d'abord comme à une sorte d'acrobatie intellectuelle, voire de hobby, avant d'en faire un objet de culte et un article de foi. Il faut des années d'exercice pour devenir un bon joueur de piano, lui a le génie de l'exégèse : « Ça jouait tout seul en moi, se rappelle-t-il. Je sombrais dans le Talmud comme d'autres dans l'alcool ! »

Aucun livre ne ressemble, par sa structure foisonnante, au Talmud. Il livre tous les codes de la vie juive, mais le judaïsme ne se réduit pas à un code civil ou privé. Il ouvre des espaces poétiques, abstraits, spirituels, ésotériques. C'est ce que découvre le jeune érudit au fil de ses lectures. Le Talmud « a été créé par le peuple juif », tant sont nombreux ses auteurs, commentateurs, les sages et personnages cités. Mais c'est aussi lui « qui a créé le peuple juif ». Il est le pilier qui, de manière dialectique, relie toutes les parties de la culture juive et lui a permis de survivre aux exodes et aux exils.

Un soir, à Paris, on lui demande quel est le secret du Talmud ? Le Talmud, c'est Dieu qui vous invite chez lui, répond le rav. Il vous offre d'abord à manger et un bon coup à boire, puis Dieu dit : « Maintenant, posez-moi toutes vos questions et je vais essayer d'y répondre. Si vous n'êtes pas satisfaits, posez-moi encore d'autres questions. Mais sachez que le plus important est de ne pas m'oublier. » Reçu à la Sorbonne en 1993, on lui demande encore si le concept de « miracle » existe dans le Talmud comme dans la Torah. Sa réponse est un trait d'esprit : « La traversée de la mer Rouge est un miracle, la manne tombée du ciel est un miracle, les guerres gagnées dans le désert sont des miracles. Mais les miracles accomplis par Dieu sont les plus faciles. Dans le Talmud, c'est à l'homme de faire des miracles : comment s'entendre avec son voisin, avec son patron, avec sa femme, et c'est autrement plus ardu. »

Son succès ne lui tourne pas la tête. Le soir de shabbat, dans sa synagogue de quartier à Jérusalem, il s'assoit au dernier rang. Il répond aux invitations du monde entier mais visite aussi des kibboutz et des écoles toutes proches. Il est capable de sauter de la biologie à la littérature, de la mécanique quantique à l'avenir d'Israël, mais il trouve aussi les mots simples pour un malade ou une famille en deuil. Des hommes politiques viennent le consulter : « Ils sont assez polis pour m'écouter, mais leur horloge n'est pas la mienne », observe ironiquement le rav.

Mekor Haïm : Source de vie. C'est le nom donné à l'école élémentaire et à la yeshiva que le rav Steinsaltz a fondées, la première dans un quartier mixte, mi-laïque mi-religieux, la deuxième dans l'implantation de Gush Ezyon, entre Jérusalem et Bethléem. Des écoles modèles, pour ceux qui louent l'éducation traditionnelle mais non dogmatique donnée dans ces établissements, l'accueil réservé aux familles tant orthodoxes que détachées de la pratique, l'insistance sur la responsabilité des parents, l'originalité de formules comme le tutorat ou le bénévolat obligatoire pour les élèves qui doivent faire des visites aux personnes âgées, aux enfants autistes ou handicapés. « L'école n'est pas une partie de la vie, c'est la vie », explique Inon Malakhi, directeur de l'école.

La yeshiva de Gush Ezyon ressemble à une ruche bourdonnante. La nuit tombe quand le rav arrive et, chapeau sur la tête, inspecte d'abord les instruments de sonorisation. Puis ce sorcier des mots se met à parler, intarissable, passant du registre le plus sacré à la science, la littérature, la politique. Il connaît son sujet sur le bout des doigts et pourrait parler des heures entières. Sa voix est monotone, mais on ne se lasse pas de l'écouter. « Suis-je le gardien de mon frère ? », interroge-t-il, reprenant la question de Caïn dans la Genèse. C'est parce qu'il a douté de sa réponse, après le meurtre de son frère Abel, que Caïn a été évincé du paradis. Autrement dit, chaque homme est « garant » de son frère, insiste Steinsaltz. C'est la base de tout enseignement juif : « Ce n'est pas parce que j'habite un quartier riche de Jérusalem que je ne dois pas m'occuper des quartiers pauvres. Ce n'est pas parce que je vais chaque jour à la synagogue de la Ville sainte que je ne dois pas m'occuper des pubs et des filles dépravées de Tel-Aviv. »

On le consulte sur tout : relations conjugales, rapports parents-enfants, la douleur, le malheur, le désespoir, le bonheur. Mais ce qui l'intéresse, ce ne sont pas tant les réponses que les questions. A l'entendre, les réponses existent toutes déjà dans le Talmud, mis par écrit à des époques lointaines (du IIe au IVe siècle) où le peuple juif craignait la disparition de sa tradition orale. Ne parle-t-il pas de la fécondation artificielle et ne prévoit-il pas la Shoah ? Les questions des hommes traversent donc les âges. C'est la manière de les formuler qui change. Les divinités idolâtrées du panthéon moderne - le sexe, le pouvoir, l'argent, la force - sont-elles si différentes de celles des Egyptiens, des Grecs, des Romains d'hier ? Le théorème de base de Steinsaltz est donc que la réponse à la question se trouve toujours au coeur de la question et que, si le peuple juif est « le seul à avoir toutes les réponses », il doit toujours se poser des questions sur les réponses. [...]

Tag(s) : #Tikoun Olam
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