Etre franco-israélien par Alex Lellouche
par Alex Lellouche, dimanche 13 novembre 2011
En hommage au texte de Yair Lapid, « Etre israélien ».
Etre Franco-Israélien. Accepter finalement de répondre au chauffeur de taxi que tu as immigré à cause de l’antisémitisme, ça serait trop long à lui expliquer. Essayer ensuite de se l’expliquer à soi-même et ne pas réussir à se comprendre complètement. Garder en secret l’idée que l’on pourrait repartir si ça se passe vraiment mal. Etre le premier sur le front si ca se passe mal. Présenter son passeport israélien à Ben Gurion et le Français à Roissy, pour dire : « je suis des vôtres », en se demandant si on est réellement des leurs.
Etre Franco-Israélien. Avoir des débats théologiques avec les israéliens qui ne croient pas, en avoir autant avec les israéliens qui croient trop. Etre modéré à l’ extrême, être extrémiste avec modération. Se retrouver entre français et critiquer le communautarisme des autres. Etre fier de la France et en avoir honte. Etre fier d’Israël.
Etre Franco-Israélien. Ne pas comprendre la rudesse qui t’entoure et un jour te surprendre à bousculer, comme tout le monde. Avoir peur de se faire arnaquer, tout négocier et se faire un peu arnaquer quand même. S’indigner qu’on ne dise pas « s’il vous plait » et « merci » à la Makolet. Oublier de le dire à la boulangerie, quand tu es en France, en te disant que finalement, ça n’est pas l’essentiel.
Etre Franco-Israélien. Suivre les événements qui se déroulent en bas de ta rue sur une chaine française, ne serait ce que pour s’indigner de la façon dont est traité Israël. S’intéresser à la politique française pour se détendre. S’intéresser à la politique israélienne pour se défendre. Apprendre à lire l’actualité par le rythme des chansons à la radio. Trouver que le dernier sketch de Eretz Nehederet est vraiment drôle, Mais pas aussi drôle que les guignols, quand même. Avoir fait rentrer « Stam » et « békef » dans le Larousse.
Etre Franco-Israélien. C’est quand le son de la Tikva fait renaitre immanquablement les souvenirs de tes premiers jours. Se revoir bégayer, comme un enfant, ses premières conversations d’Hébreu. Etre resté cet enfant, même en sachant parler. Se souvenir avoir pleuré de joie. Se souvenir avoir pleuré de tristesse. Etre parfois incompris des israéliens que tu as rejoint, ne pas toujours comprendre les français qui ne te rejoignent pas.
Etre franco-israélien, ce n’est pas être moitié-moitié. C’est être trois quarts – trois quarts. C’est devenir quelqu’un d’un peu meilleur de ce que l’on se pensait capable d’être.
Alex Lellouche