Le Judaïsme n’est pas une religion! Il y a un Peuple Juif, l’Etat d’Israël et …..Brigitte Ullmo Bliah
Le Judaïsme n’est pas une religion! Il y a un Peuple Juif, l’Etat d’Israël et …..
Pat Quartier:Un brillant article venant au soutien de la thèse perçue comme audacieuse développée par Arnold Lagémi: Le judaisme n'est pas une religion! Un débat est ouvert. Qui souhaite y participer? La "boîte" aux commentaires est ouverte. Les auteurs vous répondront.
Arnold Lagémi a parfaitement raison. La notion de religion est parfaitement étrangère à la Torah, qui parle de Dieu, du Peuple Juif et de la Terre d’Israël. L’ensemble des lois juives concernent l’organisation sociale autant que l’individu : on a tendance à l’oublier parce que pendant des siècles de dispersion, les rabbins ont statué sur des questions relatives aux individus.
Arnold Lagémi a raison de souligner que les chrétiens avaient intérêt à ramener le judaïsme à un ensemble de pratiques religieuses privées. Il faut rappeler aussi la philosophie qui a présidé à l’octroi de la citoyenneté aux juifs en France : tout aux juifs en tant qu’individus, rien en tant que Peuple.
Bien que l’Etat d’Israël ait été défini comme Juif et démocratique, le caractère juif de l’Etat est encore compris par rapport à la notion de religion : il n’est pas simple de se débarrasser des conceptions de l’exil même lorsqu’elles ont été imposées de l’extérieur.
A partir du moment où le caractère juif du pays n’est pas pris au sérieux au plan de l’Etat et de la société, c'est le caractère démocratique du pays qui constitue la valeur de référence . Or, la prolongation de cette tendance met en danger l’identité juive du pays :
Cette évolution a été assez précisément définie par l’ancien Président de la Cour Suprême Aaron Barak : selon lui il faut avoir une conception élargie de la démocratie, qui comprenne aussi les droits de l'homme et la morale. Par contre, il faut comprendre le caractère juif de l'Etat de la manière la plus abstraite possible. Par conséquent la conception du judaïsme – universelle et d'ordre moral - est déjà comprise dans la définition de la démocratie, de sorte que la référence juive s'avère dès lors, superfétatoire. Un tel raisonnement ouvre la voie de la revendication d’une partie de la population visant à la transformation de l'Etat en Etat de l'ensemble de sa population, proposition qui met un terme à l'existence d'un Etat Juif.
C’est la raison pour laquelle il est de la plus haute importance que les juifs israéliens comprennent que leur identité juive ne saurait être reléguée à la synagogue : il est parfaitement absurde de soutenir qu’il faut créer une identité israélienne séparée de l’identité juive : la nation israélienne s’inscrit à l’intérieur de l’histoire du peuple juif. Encore faut il que les juifs vivant en Israël aient conscience du fait qu’ils ne sont plus en exil, et que par conséquent ils doivent construire leur identité de peuple juif revenu sur sa terre.
La raison d’être de l’Etat d’Israël est de créer une société organisée à partir des principes fondamentaux de l’identité juive. Le but est de préserver le caractère Juif de l'Etat d'Israël, de définir une nouvelle identité pour le peuple israélien à partir de la communauté de destins entre le peuple israélien et le peuple juif, et de donner un contenu juif à la société israélienne.
La logique du Président Barak est liée au fait que le caractère juif de l’Etat n’a aucune marque précise dans le fonctionnement des institutions. Les éléments qui relèvent du judaïsme dans la société sont : la langue hébraïque, le calendrier et les fêtes, la loi du retour, les symboles du pays, les lois régissant le statut personnel – lesquelles renvoient aux divers cultes, et pas seulement au judaïsme. La société israélienne fonctionne comme toutes les sociétés des pays développés : la vie politique, les politiques économique et sociale ne sont pas différentes des modèles extérieurs.
Dans un tel contexte, il faut donner un contenu juif à la société israélienne. L'idée consiste à rechercher à partir des sources juives des solutions à des problèmes de la société contemporaine en Israël, afin de faire des propositions concrètes .Il s'agit au niveau méthodologique de ce que devrait être le mishpat haivri au droit : rechercher dans les sources juives des solutions aux problèmes de la société contemporaine.
Nous proposons d’appliquer cette méthode à d'autres domaines, comme par exemple à l'éducation, au domaine économique et social. Il est vrai que certains principes ont été élaborés pour une société agricole, mais rien n’interdit de réfléchir à une adaptation des concepts en fonction de leurs objectifs, ce que les savants juifs ont toujours fait.
Le peuple juif qui a réussi à survivre dans les affres de la diaspora doit apprendre à exister en tant que Peuple Juif revenu sur sa terre.
Il s'agit, en améliorant le fonctionnement social de la société grâce à des propositions puisées dans les sources juives, d’ajouter une nouvelle réalité au caractère juif de l'Etat – qui ne soit pas du domaine du religieux.
Qu’on se rassure : il n’est pas question de théocratie ou de totalitarisme . Bien au contraire : il ne faut pas oublier que les grands systèmes de droit contemporains fondés sur les droits de l’homme précisent qu’ils se sont inspirés du ‘’droit mosaïque’’.
Proposition utopique, direz vous. Sans aucun doute, de la même manière que l’idée de créer un Etat Juif était une idée folle. Cette proposition suppose la création d’un organisme capable de rassembler les recherches existantes sur des sujets comme l'économie, les sciences, les sciences politiques, l'éthique dans la médecine, les sciences ou les affaires. Il s’agit de choisir les sujets susceptibles de trouver des applications concrètes. De créer des équipes de travail…
Si nous voulons conserver le caractère juif de l’Etat nous devons prendre au sérieux l’identité juive et lui donner un contenu au plan du fonctionnement de la société. C’est la condition de la poursuite de l’existence de l’Etat d’Israël. Nous devons devenir Hébreux – c’est l’enseignement de Manitou. Ajoutons, qu’un tel effort de recherche permettra à notre pays d’échapper à la crise existentielle qui secoue les nations du monde développé.
*Brigitte Ullmo Bliah est avocat à Jérusalem