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Mordechai Kedar: The Coming Plagues of Egypt

En Égypte, il n'existe pour ainsi dire pas de contrat social régissant la conduite des citoyens, comme cela existe dans les sociétés démocratiques. Par conséquent cela entraîne des comportements sans inhibition qui déclenchent souvent des confrontations violentes en cas de conflit. Avec Moubarak hors jeu et alors que les normes de comportements d'une société démocratique n'ont pas encore été apprises, il semble probable qu'à court terme l'Égypte devienne une société instable en proie à des intrigues politiques fournissant chaque jour des gros titres alarmants dans les journaux. Les gouvernements du monde doivent rester attentifs et vigilants au développement qui pourrait menacer le canal de Suez, la paix avec Israël et la stabilité régionale. 

Un jour, j'ai reçu la confidence d'un ami égyptien, un diplomate rempli de sagesse qui a servi à l'ambassade d'Égypte en Israël pendant plusieurs années ; il m'a confié qu'à son avis la démocratie est en fait une "dictature stricte" puisque chaque citoyen est son propre dictateur. Le citoyen, dans une démocratie s'impose à lui-même des règles strictes : ne pas pousser, ne pas voler, ne pas harceler les femmes et les filles, ne pas blesser ou insulter les autres, s'arrêter à un feu rouge même s'il est trois heures du matin, ne pas tricher en affaires, tenir la porte à la personne qui se trouve derrière lui, faire la queue, ne pas se comporter d'une manière socialement inacceptable et autres règles qu'un citoyen d'une société démocratique se sent l'obligation de respecter à chaque instant. Il se conforme à ces règles non pas par crainte du régime (qui n'utilise pas l'intimidation) mais par une autodiscipline et la conviction que c'est seulement de cette façon qu'une société peut fonctionner convenablement.

Ainsi, une société démocratique est une société fondée sur la retenue de ses citoyens et cette auto-retenue permet à la société de fournir liberté et confort. En Israël, m'a dit mon ami égyptien, il existe entre tous les citoyens un contrat non écrit qui fixe les règles de conduite dans tous les domaines de la vie : dans la rue, sur la route, en économie, en politique et en famille.

En Égypte, au contraire, m'a-t-il dit, il n'y a pas de tel contrat social, il n'y a pas de règles, pas de droits, pas de retenue et pas "d'auto-dictature". Chaque personne agit selon son choix à chaque moment sans retenue et sans considération pour les autres, sans être guidée par les règles les plus élémentaires de conduite. Un feu rouge est une simple recommandation, la corruption est la norme, n'importe qui peut construire ce qu'il veut et où il veut, chaque gérant peut nommer ses fils, ses filles ou ses beaux-frères à n'importe quel poste de son choix sans tenir compte de ses qualifications et le recours à la violence contre les plus faibles est largement répandu. L'individu se sent libre d'agir selon ses pulsions et n'est pas tenu de répondre ni de ses actes ni de ses délits.

Et donc, à la fin de son service à l'ambassade d'Égypte en Israël après de nombreuses années, il a estimé "qu'il quittait une démocratie ordonnée et qu'il rentrait dans un pays de confusion et de chaos".

Tout ceci se passait quand Hosni Moubarak était encore au pouvoir, ce qui montre que son influence sur le comportement de la société égyptienne a été minime. La société égyptienne avait été régie toutes ces années par ses propres règles, sans l'auto-retenue qui est la base des conduites dans les sociétés démocratiques. Les raisons en sont claires : lorsque l'individu vit sous la pression d'un régime dictatorial, il cherche une issue, légitime ou non, pour agir librement, sans limites et sans entraves. Un individu qui vit dans un état libre n'éprouve pas ce besoin de se libérer de la pression du régime. Par conséquent, un système d'auto-restrictions se met en place et permet aux citoyens de vivre en bonne harmonie, sans nuire aux autres.

La même chose est vraie pour le comportement de groupe. Dans les sociétés démocratiques, les groupes développent des codes de gestion des conflits par des moyens légitimes telles que les débats, la participation à la vie publique et les manifestations pacifiques. Tout le monde respecte les mêmes "règles du jeu" qui permettent à tous les groupes, même s'ils diffèrent dans leur vision du monde et leurs programmes, de coexister et d'avoir entre eux un débat public ouvert, juste et non-violent. En revanche, dans une société sans expérience démocratique, il n'y a pas de règles politiques, pas de limites, pas de restriction et pas de contraintes. Les groupes ont tendance à entrer en confrontation violente sur chaque problème. En pratique, le régime égyptien a exécuté les chefs des Frères musulmans tandis que les Frères musulmans et d'autres organisations assassinaient le président Sadate, le Ministre de l'intérieur et des officiers de police.

La société égyptienne vient d'être libérée de l'emprise du régime de Moubarak. La situation actuelle en Égypte ressemble à une cocotte-minute dont la soupape a été retirée brusquement. La population générale n'a pas encore été formée aux outils légitimes de gestion des conflits que déjà chaque groupe formule des exigences, des attentes et se sent prêt à lancer une lutte, parfois violente, pour réaliser ses aspirations.

Les assauts sur des postes de police, le pillage de musées, de bureaux du gouvernement, de supermarchés ainsi que les agressions sexuelles (comme celle de Lara Logan, la journaliste de CBS) sont le résultat de cette anarchie et de tels comportements vont sans doute se poursuivre en Égypte pendant un certain temps. Cette situation est similaire à ce qu'on a vu en Irak après le renversement de Saddam Hussein en 2003. Il ne faut pas non plus exclure l'éventualité d'attaques terroristes par des groupes islamiques.

L'armée a suspendu la constitution pour une période de six mois afin d'imposer l'ordre ; en d'autres termes, remettre la soupape sur la cocotte-minute. Néanmoins, le Parti National Démocrate de Moubarak, le parti Wafd, les Nassériens, les Socialistes, les Communistes, les groupes religieux extrémistes bien sûr, et les différents courants islamistes des Frères musulmans sont tous tentés de dominer les autres. Des affrontements de rue entre groupes rivaux vont sans doute se produire. De telles luttes internes pourraient créer un vide politique, entraînant une ingérence étrangère. L'Iran, le Hamas, le Hezbollah et Al-Qaïda attendent tous d'être appelés à l'aide par l'une ou l'autre faction égyptienne. Il s'est produit à peu près la même chose en Irak après le renversement du régime de Saddam Hussein en avril 2003 et jusqu'à aujourd'hui son système politique intérieur ne s'est pas encore stabilisé.

L'armée s'efforce de maîtriser l'incendie ou de le limiter s'il devait prendre trop d'ampleur. Alors que les militaires n'ont jusqu'à présent pas manifesté le désir de prendre le pouvoir de façon permanente, il est possible que cet épisode aiguise leur appétit, qu'ils se découvrent une attirance pour le pouvoir et que l'Égypte se retrouve gouvernée par des généraux.

Les Frères musulmans ont demandé de refaire les élections au Conseil législatif (Majlis-Chaab), qui se sont tenues en novembre et dont les résultats avaient été clairement fixés par le régime de Moubarak. La Fraternité avait remporté un seul siège sur 454, alors que sa force électorale aurait dû lui donner la moitié des sièges. Si l'armée répond à leur demande et organise des élections équitables, nous pourrions assister à l'émergence d'un parlement égyptien à majorité islamiste, comme en Turquie, qui nommerait un gouvernement avec un programme islamiste. Un président islamiste élu lors d'élections justes, avec un parlement islamiste, pourrait changer la Constitution pour empêcher le passage du pays aux mains des laïques, comme cela avait été fait en Iran après la révolution islamiste de 1979.

La période qui s'annonce pour l'Egypte pourrait bien être une période de troubles sociaux et politiques, avec des gouvernements qui se font et se défont, un parlement élu incapable de fonctionner, les militaires s'abstenant de prendre le pouvoir alors qu'ils pourraient le faire et des politiciens faisant et défaisant des alliances sur des courtes périodes. Il est possible également que nous assistions à une série d'assassinats politiques dans les camps qui s'affrontent.

Cette situation de troubles pourrait éveiller chez de nombreux Egyptiens le souhait de porter à la tête de l'Égypte une personnalité solide et fiable avec un programme alliant clarté et fermeté. Le choix se porterait probablement sur l'un des leaders des Frères musulmans,  le Cheikh Dr. Yusuf al-Qaradawi. Al-Qaradawi est un égyptien célèbre dans le monde arabe et musulman, orateur éloquent, cultivé et bien informé et invité presque permanent de la télévision Al Jazeera dans une émission sur "La Charia et la Vie". Déjà, il y a quelques jours, lors de son retour au Caire, il a fait un prêche, et pourrait être appelé à sauver l'Égypte du chaos, entraînant le pays sur une voie islamiste.

À court terme, il pourrait s'ensuivre que l'Égypte devienne une société en proie à l'instabilité et à un tourbillon d'intrigues politiques, fournissant chaque jour des gros titres alarmants dans les journaux. Les gouvernements du monde doivent rester attentifs et vigilants au développement qui pourrait menacer le canal de Suez, la paix avec Israël et la stabilité régionale.

Le lieutenant-colonel (de réserve), le Dr Mordechai Kedar, est un vétéran de 25 ans dans le renseignement militaire israélien, il est chercheur (senior research associate) au Centre Begin-Sadate d'études stratégiques.

BESA Perspectives a été publié grâce à la générosité de la famille de Greg Rosshandler.

Adapté par Danilette

 

 

Tag(s) : #Egypte
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