Naissance d'un nouvel Etat : le Sud-Soudan, éditorial du "Monde"

Publié le par danilette

Naissance d'un nouvel Etat : le Sud-Soudan

En Afrique, et au Soudan en particulier, les bonnes nouvelles sont rares. L'indépendance annoncée du Sud-Soudan en est une, programmée il y a six ans lors de la signature de l'accord de paix entre la guérilla indépendantiste du Sudiste John Garang et le pouvoir central de Khartoum. Le 9 juillet, l'Afrique comptera un 54Etat.

Le premier motif de satisfaction tient au déroulement du référendum d'autodétermination tenu du 9 au 15 janvier dans cette région semi-autonome de la fédération soudanaise. Au mieux, on craignait un scrutin désorganisé, manipulé. Au pire, on annonçait des violences six ans après la fin d'une guerre civile qui opposa, plus de vingt ans durant, le Sud, chrétien et animiste, au Nord, arabe et musulman.

Au bout du compte, les Sud-Soudanais ont voté démocratiquement, dans une atmosphère aussi euphorique que pacifique.

Ce vote fut salué par l'ONU ; il été reconnu à Khartoum par le régime si peu démocratique d'Omar Al-Bachir. C'est bon pour la paix.

Ce résultat était loin d'être acquis. Aucun régime ne perd de gaîté de coeur un cinquième de sa population et de son territoire, là où, qui plus est, repose l'essentiel des réserves pétrolières du troisième producteur d'or noir du continent.

Khartoum pouvait-il s'y opposer ? Il a bien essayé. Ses manoeuvres dilatoires ont échoué face à la détermination des Sudistes, d'abord, et de la communauté internationale, ensuite, Etats-Unis en tête. Washington a fait miroiter quelques récompenses au président Omar Al-Bachir en échange de sa neutralité : retrait du Soudan de la liste des pays soutenant le terrorisme ; reprise des contacts diplomatiques au plus haut niveau ; allégement des sanctions économiques.

Le résultat du référendum a été sans appel : 98,83 % des quelque 4 millions d'électeurs enregistrés (sur 8 à 10 millions de Sudistes) ont dit "oui" à l'indépendance. Sous d'autres latitudes, une telle unanimité serait suspecte. Pas au Sud-Soudan, où l'on connaît le prix de cette indépendance. Il se monte à plusieurs millions de morts, tués par les guerres ou les famines pendant plus d'un demi-siècle de luttes armées contre le Nord.

Les deux parties sont condamnées à s'entendre. D'abord sur un nouvel accord de partage des revenus pétroliers, vitaux pour le Sud comme pour le Nord. Si 75 % des réserves sont au sud, tous les oléoducs prennent le chemin du Nord, où se trouvent raffineries et terminaux d'exportation de Port-Soudan.

L'indépendance n'est pas la fin du voyage. Reste à construire un Etat - pour 8 millions d'habitants, dans un territoire grand comme la France, si pauvre qu'il ne compte que 100 kilomètres de routes, la moitié à Juba, la capitale, le reste autour des champs de pétrole exploités par les Chinois. Tout est à faire - écoles, administration, hôpitaux, télécommunications. Il faut aussi donner un nom à cet Etat qui n'en a pas encore.

La communauté internationale doit l'aider. Il en va de l'intérêt de toute l'Afrique.

Publié dans Afrique - Maghreb...

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