Problèmes de réfugiés, Raphaël Draï
Lire l'article en entier sur : http://raphaeldrai.wordpress.com/2013/06/01/problemes-de-refugies/
Aucun Etat, à commencer par l’Etat d’Israël, ne peut laisser sans solution un problème humain, interne ou externe, lorsqu’il se pose à lui. Le problème des réfugiés est de ceux là. Il affecte de vastes, de trop vastes collectivités humaines qui pourrissent moralement dans les lieux où elles croupissent physiquement, en se transmettant rancune et haine de génération en génération.
Seulement, un problème de cette nature ne saurait trouver de solution effective lorsqu’il change de nature, que les populations en question sont transformées en armes de guerres, en armées de «réoccupation», visant à détruire les nations et les Etats où elles seraient retournées. Telle est, on le sait, la difficulté inhérente à un règlement sinon définitif en tous cas satisfaisant du problème des réfugiés palestiniens.
L’autorité palestinienne conçoit leur « droit au retour » comme une machine de guerre démographique qui sapera les fondements mêmes de « l’Etat Juif » et rendra impossible la vie de ses habitants. Ce droit-là est mentionné en France par le sigle DAR, ce qui en langue arabe désigne « la maison ». L’allusion est claire. Dans ces conditions, l’on ne s’étonnera pas que les gouvernements successifs de l’Etat d’Israël se soient refusés à cette manoeuvre.
Les intérêts vitaux de l’Etat dont ils ont la charge ne sont pas moindres que ceux des Etats Unis, de l’Australie, de la France ou de la Turquie face aux myriades de réfugiés syriens. Si la France devait délivrer tous les visas demandés par la seule Algérie, au moins un million de citoyens de ce pays ne tarderaient pas à affluer sur ses côtes. Même François Hollande s’y refuse.
La question des réfugiés palestiniens devrait être loyalement abordée et réglée dans le cadre de négociations ayant une paix véritable pour objectif avéré. Ce n’est pas la seule dimension de la question. Depuis 1948, le problème particulier dés réfugiés palestiniens a été présenté comme celui du monde arabe tout entier.
Ce changement d’échelle ne saurait se produire à sens unique. Si les guerres qui ont ensanglanté cette région, et qu’Israël n’a pas voulues puisqu’il a été agressé militairement le jour même de sa naissance, ont provoqué l’exode de nombreux arabes, ainsi dénommés, elles ont simultanément rendu intenable la situation des Juifs habitant cette même région et, au delà, de tous les Etats arabo-musulmans.
Depuis 1948 au moins la présence juive est devenue pratiquement inexistante dans le Dar el Islam où elle se manifestait parfois des siècles avant la conquête entreprise par les armées à l’enseigne du Coran.
Au delà des mythes relatifs à des âges d’or qui n’ont été que de circonstances et toujours fragiles, il faut s’interroger sur les causes de cette précarité. Elle s’explique en grande partie par la condition de « dhimmi » qui était celle des non -musulmans dans les régimes islamistes. Une condition qui devint intolérable avec la révolution des droits de l’homme et du droit des peuples à disposer d’eux mêmes.
Cependant, l’on aurait pu penser qu’en dépit des crises et des guerres, les Juifs des pays arabes y seraient demeurés, sans craindre pour leurs personnes, sans spoliations, sans menaces de mort. La France est en guerre au Mali. Elle l’a été en Afghanistan ou en Irak, y compris sous Mitterrand.
Les populations arabes vivant en France et qui, elles aussi, sont largement constitués de réfugiés –ceux de la politique ou de la misère – n’ont pas été pour autant poussées à l’exil et au déracinement. Prés d’un million et demi de Juifs ont été contraints de choisir entre le départ forcé avec la spoliation de tous leurs biens, et la terreur ou la mort.
C’est en catastrophe qu’ils ont été éradiqués pour trouver refuge dans des pays où le mot accueil ne rimait pas toujours avec bienvenue. Là, au lieu de croupir et de remâcher leur ressentiment, ils ont reconstruit leur existence, sans rien renier de leurs racines.
Il ne s’agit pas de débattre si les guerres d’Israël furent justes ou injustes. Les historiens les plus engagés reconsidèrent leurs positions initiales. Il faut seulement souligner que lorsqu’elles ont éclaté les Juifs des pays arabes ont été aussitôt identifiés à l’ennemi honni. En droit et en morale, les injustices ne se compensent pas mais tant qu’à souligner les unes, il faut ne pas occulter les autres.
Ce qui est non moins vrai pour les Juifs d’Algérie. Pour quel résultat? Il était une fois un Juif français qu’habitait la passion du cinéma et de son Algérie natale. En 1959, il y construisit deux salles de toute beauté. Il demeura sur place après l’indépendance. Un matin, deux inspecteurs de police lui signifièrent que ses biens étaient placés sous séquestre, qu’il n’avait pas d’autre choix que de déguerpir, sans aucune opposition, ni indemnisation. Cet homme quitta la terre natale de ses ancêtres pour devenir un « rapatrié », autant dire un réfugié. Depuis, ces salles ont été privatisées à nouveau, puis fermées faute de maintenance. A présent, débaptisées, elles menacent ruine. Il n’est plus là pour le voir.
Faut-il le passer aussi par profits et pertes d’une Histoire qui trie entre les réfugiés?